Sur place, plusieurs représentants de grandes maisons, crus classés et grands crus classés faisaient découvrir leurs vins. En tout, sur les 133 domaines enregistrés à l’Union des Grands Crus de Bordeaux, 70 maisons s’étaient déplacées pour venir faire déguster leur dernier millésime. Les amateurs pouvaient ainsi choisir leurs vins avant que ceux-ci soient sur le marché et les commander en prévente.

Il y en avait pour tous les goûts et pour toutes les bourses, avec des prix allant de 30$ à 300$ la bouteille. Pas de Pétrus, mais des Domaine de Chevalier (Pessac-Léognan), Château Chasse Spleen (Moulis-en-Médoc) et Château Rauzan Segla (Margaux), ainsi que quelques sauternes de belles maisons, entre autres merveilles.

De l’avis de plusieurs, le millésime 2012, moins choyé que celui de 2010, avait quand même de quoi surprendre. Un constat surprenant: la grande accessibilité de ces jeunes vins haut de gamme, une grande majorité d’entre eux pouvant déjà être bus.

Une tradition qui tend à changer

À Bordeaux, les traditions séculaires ont fait de certains vins des vins mythiques. Mais quand on sait que le marché à l’export est constitué de plus de 80% de vins prêts à boire, cela force certaines maisons à repenser leurs traditions.

Un bel exemple a eu lieu l’an passé, quand les nouveaux arrivages du millésime 2010 de Bordeaux ont débarqué massivement sur les tablettes de la SAQ. Des vins entre 20$ et 30$ la bouteille, il y en avait plein! Mais aussi des vins plus chers, des crus classés. Des cuvées gorgées de fruits, gouleyantes, bien équilibrées, avec une profondeur et une matière intéressantes, mais, surtout, prêtes à boire maintenant.

Les consommateurs, encouragés par les conseillers leur disant que ces bouteilles étaient d’excellents rapports qualité-prix, en ont acheté plusieurs. Et les tablettes se sont vidées dans le temps de le dire! Résultat: disparition de presque toutes les cuvées du nouvel arrivage Bordeaux 2010 en quelques semaines à peine, et ce, partout dans la province.

Bref, il s’agit vraiment d’un millésime excellent, de bonne qualité et qui répond aux besoins de la majorité de la clientèle. Et si les petites cuvées sont prêtes à être consommées maintenant,au bonheur du grand public, les grands crus de 2010 pourront pour leur part se bonifier longuement en cave.

Certaines maisons en Bordeaux se sont adaptées à cette réalité et offrent aujourd’hui des vins qui à la fois ont un potentiel de garde et peuvent se boire tout de suite. C’est le cas de Moueixet de Jean-Michel Lapalu, propriétaire de Château Patache d’Aux, Lacombe Noaillac et Leboscq, mais aussi président des marques de la maison Moueix.

De passage à Montréal pour le lancement de ses crus 2010 et Lapalu il avait déclaré, en entrevue pour le blogue de Cellier: «Moueix est une société qui rejoint ma philosophie d’une démocratisation des vins de Bordeaux. On doit s’adapter aux besoins de notre clientèle […] On veut offrir des vins qui sont faciles à apprécier, des vins de plaisir à prix abordable.» Il a  tenu à ajouter que certains de ses vins ont toutefois un potentiel de garde de 15 ans. «Mais cela ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas être bus avant. Nous proposons des vins qu’on a envie de partager en famille au repas du dimanche ou entre amis.» Une philosophie qui rejoint la majorité de la clientèle actuelle.

Une chose est certaine, la région de Bordeaux restera toujours un choix prisé de la clientèle mondiale. Les classiques ne se démodent pas. Sauf que, plus que jamais, ses vins pourront desservir autant une clientèle qui recherche des vins d’exception, faits pour la garde, qu’une clientèle «mass-market» qui, elle, veut jouir maintenant, sans attendre, des plaisirs de la vie. Le meilleur des deux mondes, quoi!

Merci à Marie-Claude Di Lolo et l’expertise des animatrices-sommelières de Vins au Féminin qui collaborent avec moi. 

Source: Avenues (Jessica Harnois)